
Depuis la mort du domaine internet .yu en 2009, la Yougoslavie ne survit plus sur la scène internationale que grâce au Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie.
Néanmoins, le souvenir de la Yougoslavie reste bien vivace dans les républiques qui lui ont succédé. La « yougo-nostalgie » est présente bien sûr en Serbie, pays qui constituait le coeur de la Yougoslavie, mais aussi en Macédoine du Nord.
Royaume de Yougoslavie

La Yougoslavie est généralement associée à Tito et au communisme, mais il faut savoir qu’elle fut à l’origine un royaume. Elle a été fondée après la Première Guerre mondiale à partir des royaumes de Serbie et du Monténégro et de territoires austro-hongrois (Bosnie, Croatie, Slovénie et nord de la Serbie). La Macédoine du Nord avait été annexée par le royaume de Serbie en 1912. La création d’un État yougoslave répondait à un rêve ancien : réaliser l’unité des Slaves du Sud, auparavant séparés entre plusieurs États. La Serbie y voyait aussi un moyen d’unifier tous les Serbes, qu’ils habitent en Serbie, en Croatie ou en Bosnie.
C’est la dynastie serbe qui a reçu la nouvelle couronne yougoslave et Belgrade fut naturellement choisie comme capitale. Pendant toute son existence, le royaume de Yougoslavie s’est heurté à de profondes différences régionales. Les anciennes terres austro-hongroises étaient plutôt riches et industrialisées, tandis que le reste du pays était pauvre et tourné vers une agriculture de subsistance. Les différences économiques et culturelles se sont traduites par de forts antagonismes politiques. Le système parlementaire de départ a peu à peu fait place à la dictature.
En Macédoine du Nord, le royaume de Yougoslavie n’a pas été un régime particulièrement faste. La région, considérée comme faisant partie de la Serbie, était appelée Vieille-Serbie et soumise à une sorte de colonisation. Les Serbes de Serbie étaient incités à s’y installer, notamment pour cultiver la terre ou ouvrir des usines. La population locale restait pauvre et sans accès aux progrès modernes. Le sentiment bulgare dominait parmi les Macédoniens et ils espéraient encore un rattachement à la Bulgarie.
Le royaume de Yougoslavie disparaît moins de 23 ans après sa création, lors de l’invasion nazie en 1941. Le pays est partagé entre l’Allemagne et ses alliés, la Macédoine du Nord est divisée entre Bulgarie et Albanie.
Yougoslavie socialiste

Le sentiment pro-bulgare était fort avant la Seconde Guerre mondiale, mais l’Occupation fasciste bulgare l’a vite éteint. En effet, les Macédoniens subissent une bulgarisation forcée et violente, qui a pour but de faire disparaître les identités locales. Ce sont des Bulgares qui occupent les postes importants, et toute l’administration est centralisée à Sofia. En revanche, le parti communiste yougoslave reconnaît l’existence du peuple macédonien, et plaide pour la création d’une république macédonienne.
La Résistance locale s’organise dès 1941. La Résistance en Yougoslavie est d’abord dominée par les mouvements en faveur du roi, mais les Communistes s’affirment vite comme la vraie alternative aux régimes fascistes. Ils rencontrent une grande popularité parmi la population et réussissent à libérer le pays sans aide extérieure.

Une Yougoslavie fédérale et socialiste est fondée dès 1943 et des comités locaux proclament au même moment les républiques fédérées bosnienne, croate, macédonienne, monténégrine, serbe et slovène. Le nouveau pays est conçu pour unifier librement six peuples slaves et éviter ainsi la précédente domination serbe.
La Yougoslavie socialiste est assez éloignée des autres démocraties populaires d’Europe de l’Est. Tito avait rompu son alliance en 1948 avec Staline afin d’assurer son indépendance et il avait engagé de profondes réformes à partir de cette date. Alors que la Yougoslavie était d’abord considérée comme un modèle de communisme acharné, elle est devenue plus libérale, suivant l’expression de « socialisme à visage humain ». L’administration était décentralisée, les usines étaient autogérées par les ouvriers et non pas par l’Etat, certaines libertés étaient garanties et l’économie yougoslave suivait plus ou moins le marché occidental. Membre du Mouvement non-aligné, la Yougoslavie pouvait être considérée comme un Etat ouvert, avec une grande industrie touristique, la présence de la culture occidentale (journaux, films, musique…), et la possibilité pour les Yougoslaves de voyager autant dans le bloc de l’Est que dans le bloc de l’Ouest. La police secrète et le contrôle des citoyens restaient tout de même omniprésents.

Après la mort de Tito en 1980, la Yougoslavie s’est désagrégée progressivement. La récession et l’instabilité politique ont exacerbé les revendications ethniques et ont précipité les guerres des années 1990. La Macédoine du Nord, sans grand potentiel économique pour la Serbie et avec une minorité serbe marginale, a connu une indépendance pacifique en 1991. C’est la troisième république à quitter la fédération après la Slovénie et la Croatie.
Héritage
La Yougoslavie socialiste a énormément apporté à la Macédoine du Nord. De 1945 à 1991, le pays est sorti du XIXème siècle pour entrer pleinement dans le XXème siècle. Au sortir de la guerre, la Macédoine du Nord n’avait presque pas d’industrie, 75 % des Macédoniens étaient agriculteurs et 80 % d’entre-eux étaient illettrés. La Yougoslavie titiste a aussi donné la possibilité aux Macédoniens d’avoir pour la première fois un pays à eux, avec une langue et une culture reconnues.

De nos jours, la Yougoslavie socialiste est associée à une période prospère par les Macédoniens. Ils faisaient partie d’un grand pays respecté sur la scène internationale. Les Macédoniens avaient d’avantage d’opportunités : possibilité d’étudier ou travailler dans d’autres républiques yougoslaves, de visiter d’autres pays sans visa, etc. Les minorités se sentaient aussi plus protégées et la « yougo-nostalgie » est assez présente parmi les Albanais et les Roms de Macédoine. Le souvenir yougoslave est enfin opposé au caractère balkanique de la région : la Yougoslavie avait un système et une culture modernes, influencées par l’Occident. L’Etat partageait d’ailleurs une frontière avec l’Italie et l’Autriche, deux pays qui semblent aujourd’hui à des années-lumières de la Macédoine du Nord. Maintenant, la Macédoine du Nord aurait retrouvé son essence balkanique, apportant désordre et déclin.
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