Religion en Macédoine du Nord

Bigorski
Monastère de Bigorski.

La Macédoine du Nord est une terre de spiritualité, la religion a toujours joué un grand rôle dans l’histoire et la tradition.

De nos jours, on trouve en Macédoine du Nord plusieurs religions. Elles sont généralement associées à des groupes ethniques et ont une fonction identitaire forte. Cela est principalement dû au système administratif ottoman. Le pouvoir ne reconnaissait pas de peuples ou minorités, mais seulement des catégories religieuses, appelés « millets » : musulmans, orthodoxes, catholiques, juifs et arméniens. Les groupes ethniques se sont d’abord définis selon la religion, puis, à partir du XVIIIème siècle, selon la langue ou les traditions.

Les Orthodoxes forment 64,7 % de la population, les Musulmans 33,3 % et les Catholiques 0,3 %. Les 1,5 % restant regroupent les gens sans religion, les Juifs et diverses Églises protestantes. La pratique religieuse n’est pas forcément très suivie par tout le monde, beaucoup de Macédoniens n’assistent qu’aux grandes fêtes ou ne maintiennent qu’un attachement culturel à leur religion.

ORTHODOXIE

Église de Macédoine

L'église de Manastir.
L’église de Manastir (Mariovo).

La religion orthodoxe concerne surtout les ethnies macédonienne, valaque et serbe. L’Orthodoxie a une organisation régionale, il n’y a pas de chef ou de hiérarchie propre à tous les Orthodoxes de la Terre. Les pays majoritairement orthodoxes ont chacun leur Église dirigée par un patriarche, comme la Russie, la Serbie, la Roumanie, la Grèce… Le Patriarcat de Constantinople, siégeant à Istanbul, a une sorte de suprématie sur les autres pour des raisons historiques.

La Macédoine possède sa propre Église, mais elle n’est pas reconnue par les autres. En effet, la communauté orthodoxe internationale soutient que la Macédoine est encore sous la juridiction de l’Église de Serbie. Il existe d’autres Églises orthodoxes non reconnues, notamment celles d’Ukraine et de Biélorussie (dépendant normalement de la Russie). Une partie des croyants macédoniens reconnaît encore l’autorité de l’Église de Serbie.

L’Église macédonienne a été fondée en 1967 à partir de l’Archevêché d’Ohrid, qui avait été fondé en 1019. L’Église est dirigée par un Primat, actuellement Stefan d’Ohrid et de Macédoine. La Macédoine est divisée en huit éparchies (équivalent aux diocèses catholiques).

Aperçu de la religion

Icône d'Ohrid, XIVème (Présentation de Marie).
Icône d’Ohrid, XIVème (Présentation de Marie).

La religion orthodoxe reste proche du Catholicisme et diffère surtout sur des points liturgiques. L’Orthodoxie paraît souvent plus mystique. Les deux religions se sont séparées en 1054 et ont chacune eu une histoire assez différente, avec des influences culturelles qui leur sont propres. Depuis le XXème siècle, les deux Églises se considèrent comme complémentaires plutôt que concurrentes.

Les différentes Églises orthodoxes suivent les mêmes rites et traditions. Les Églises slaves comme celle de Macédoine se distinguent cependant par l’usage du vieux-slave en tant que langue liturgique. Il s’agit du langage parlé par les premiers Chrétiens slaves, au temps de Cyrille et Méthode (IXè).

Les icônes, tableaux religieux, jouent un rôle central. Elles sont considérées comme Saintes et sont vénérées par les fidèles. Ils les embrassent en signe de respect et de dévotion. Les icônes ne sont pas à proprement parler des idoles, mais des supports permettant de se rapprocher du Christ et des Saints. Elles sont en deux dimensions, car elles évoquent le monde spirituel, qui ne peut pas être appréhendé par les cinq sens, mais seulement évoqué. Pour la même raison, la représentation en trois dimensions, trop crue, est interdite.

Pope
Un pope et sa famille.

Les Orthodoxes de Macédoine suivent le calendrier julien, introduit par Jules César. Les Catholiques et certaines Églises orthodoxes ont adopté le calendrier grégorien à partir de la Renaissance. Les deux sont similaires, mais le second est venu corriger l’écart du premier par rapport au soleil. En effet, le calendrier julien dispose une année bissextile tous les 4 ans, mais cela créé un décalage de huit jours par millénaire par rapport au soleil. Le calendrier grégorien règle le problème en réduisant les années bissextiles aux années divisibles par 4. En 2015, le décalage entre les deux est de 13 jours. Les Macédoniens fêtent donc Noël le 7 janvier.

Les prêtres orthodoxes (appelés popes) peuvent se marier et avoir des enfants. En revanche, les évêques sont issus des monastères et sont donc célibataires. Il n’y a pas d’ordres religieux comme chez les Catholiques (Franciscains, Dominicains, Carmélites…), seulement des monastères d’hommes ou de femmes. Ils sont obligatoirement situés en dehors des villes.

Disposition des églises

Iconostase en l'église de l'Annonciation de Prilep.
Iconostase en l’église de l’Annonciation de Prilep.

Ce qui frappe le plus dans les églises orthodoxes, c’est l’iconostase, mur regroupant des icônes et fermant le chœur. Les icônes sont disposées selon un ordre assez strict. L’iconostase s’ouvre par trois portes, celle du centre étant appelée « porte royale ».

Le chœur contient l’autel et il est interdit aux femmes, et aux hommes n’ayant pas reçu la bénédiction du prêtre. D’autres interdits entourent cette partie de l’église, comme l’argent ou la viande.

Le reste de l’église est plutôt vide car les Orthodoxes n’ont pas le droit aux représentations en trois dimensions et de s’asseoir pendant les offices. Les statues et les chaises n’existent donc pas. Plusieurs icônes sont disposées dans la nef, les fidèles viennent les embrasser en suivant un circuit hiérarchique. Les cierges sont confinés à l’extérieur de l’église, dans des espaces spécifiques. Il y en a un pour les morts, et un autre pour les vivants.

ISLAM

Mosquée du village de Kolari, près de Kičevo.
Mosquée du village de Kolari, près de Kičevo.

L’Islam est la deuxième religion en Macédoine. Il est arrivé avec la conquête ottomane au XIVème siècle. Les Turcs n’ont jamais forcé les conversions, car le prosélytisme est interdit, mais la religion a rencontré un grand succès chez certains groupes ethniques. Ainsi, pratiquement tous les Albanais et les Roms se sont convertis à l’Islam. Certains Slaves l’ont aussi fait, ils sont connus comme Bosniaques, Torbeši, Gorani ou encore Pomaks.

Il semble que la plupart des conversions avaient des motifs sociaux : à l’époque ottomane, les Chrétiens payaient plus d’impôts et avaient moins de droits. Ils étaient aussi moins protégés contre les brigands et en cas de guerre. Devenir musulman était donc un moyen de changer de classe sociale et d’avoir de meilleures conditions de vie. Certains historiens ont aussi avancé que les populations balkaniques avaient une appartenance fragile au Christianisme à l’époque de l’invasion turque. En effet, la région était connue pour ses Bogomiles, considérés comme hérétiques par l’Église.

Tombe musulmane à Skopje.
Tombe musulmane à Skopje.

L’Islam est assez proche du Christianisme puisqu’il descend lui aussi de la Torah juive et de la Bible. Le Coran ajoute cependant des différences. Les Musulmans reconnaissent tous les prophètes judéo-chrétiens, comme Noë, Abraham, Moïse, David, Jésus… Ils reconnaissent aussi les Dix Commandements, le Jugement Dernier, le caractère messianique de Jésus, le Paradis, etc. En revanche les Musulmans ne reconnaissent ni les Saints, ni la Trinité, ni le concept de péché originel (qui n’existe pas non plus chez les Orthodoxes).

Tekke soufi de Tetovo.
Téké soufi de Tetovo.

Les Musulmans de Macédoine sont surtout Sunnites, comme la plupart des Musulmans de la Terre. Une partie d’entre-eux appartient cependant aux mouvements soufistes, notamment bektashi. Le soufisme est une variante plus mystique et plus contemplative de l’Islam, souvent considérée comme plus modérée que le sunnisme. Dans certaines villes, notamment Tetovo, on peut encore voir des tekke, sortes de monastères où des Soufis vivent en ascètes. Ils sont alors appelés « derviches » et certains pratiquent une danse rituelle qui leur donne le nom de « derviches tourneurs ».

Les Musulmans ne suivent pas de hiérarchie comme les Chrétiens mais ils sont représentés au niveau national par la Communauté islamique macédonienne et par le Grand Mufti de Macédoine.

CATHOLICISME

Eglise gréco-catholique de Strumica.
Eglise gréco-catholique de Strumica.

Les Catholiques sont estimés à 1 % de la population. Ils sont surtout albanais. Mère Teresa, Albanaise catholique de Skopje, est la plus grande figure de la communauté. Skopje fut à la tête d’un archevêché du XVIème siècle à 1924. Ensuite, elle fut rattachée à celui de Belgrade et elle n’est plus que le siège d’un évêché, le seul du pays.

Une petite minorité de Macédoniens (env. 15.000) appartient à l’Église gréco-catholique. Celle-ci suit tous les rites orthodoxes, mais reconnaît l’autorité du pape. La Macédoine possède une Eglise gréco-catholique organisée depuis la fin du XIXème siècle. Elle ne comprend qu’un diocèse dont le siège est à Strumica.

JUDAÏSME

Ancienne synagogue de Bitola.
Ancienne synagogue de Bitola.

Le Judaïsme ne concerne plus qu’une centaine de Macédoniens. Avant la Seconde Guerre mondiale, il y avait environ 12.000 Juifs en Macédoine. Ce chiffre est peu élevé, mais il faut savoir que la Macédoine géographique au sens large était une région d’implantation forte. Sa plus grande ville, Thessalonique, était majoritairement juive à l’époque ottomane. Au XVIIème siècle, la région est parcourue par Shabbetaï Tzvi, considéré comme le nouveau messie par beaucoup de Juifs. Son bras-droit, Nathan de Gaza, fut enterré à Skopje.

La présence juive est attestée dès l’Antiquité tardive car les restes d’une synagogue ont été découverts sur le site archéologique de Stobi. La communauté s’est véritablement constituée après l’invasion ottomane, lorsque l’empire a accueilli en masse les réfugiés de l’Inquistion espagnole. Ainsi, la plupart des Juifs macédoniens étaient originaires d’Espagne et parlaient le judéo-espagnol, mélange d’hébreu et de vieux-castillan.

La grande majorité des Juifs de Macédoine vivait à Bitola. De nos jours, Skopje est la seule ville a avoir une synagogue (inaugurée en 2003). Tous les Juifs déportés pendant la guerre ne sont jamais revenus des camps (plus de 7.000). Beaucoup de ceux qui n’avaient pas été arrêtés ont rejoint Israël après-guerre.

PROTESTANTISME

Le Protestantisme est arrivé en Macédoine au XIXème siècle. L’empire ottoman s’affaiblissait et s’ouvrait alors à l’Occident. Les campagnes reculées et miséreuses de Macédoine ont été un terrain de choix pour les missionnaires américains. Ceux-ci ont notamment introduit le Méthodisme et le Baptisme. Le succès des missions protestantes est cependant resté anecdotique et seuls 2.000 Macédoniens sont aujourd’hui protestants.

BOGOMILISME

Le Bogomilisme et son expansion.
Le Bogomilisme et son expansion.

Le Bogomilisme est un courant chrétien apparu dans les Balkans au Xème siècle et qui a subsisté jusqu’au XIVème siècle. Héritier de mouvements hérétiques de l’Antiquité tardive, il reconnaîssait deux forces : le Bien et le Mal. Toute chose sur Terre, y compris les hommes, aurait été créée par le Mal, si bien que le Paradis ne se méritait qu’à travers une vie d’ascète sans péché aucun. Un même principe se retrouve chez les Cathares et il est possible que les Bogomiles les aient influencés. Les Bogomiles étaient considérés comme hérétiques et ils ont été largement persécutés.

Le courant est né d’une défiance vis-à-vis du pouvoir en place et proposait donc un monde sans autorité ni hiérarchie, avec une pratique religieuse non encadrée. Ces aspects ont largement séduit les plus pauvres et expliquent son succès important. Le berceau du courant est probablement la Macédoine, alors sous domination bulgare. Le mouvement a aussi fait florès en Bosnie.


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Voir aussi :

Architecture religieuse

Peuples et minorités

La Macédoine en 15 dates

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