Soyons honnêtes, la Macédoine du Nord n’a pas produit beaucoup de grandes personnalités mondialement connues. Il faut dire que le pays, qui compte deux millions d’habitants, a longtemps été isolé, brimé par divers occupants, et très peu développé. Exit donc les têtes couronnées, les grands écrivains et les scientifiques de génie.
Il y a bien les héros antiques comme Alexandre le Grand, mais il faut reconnaître qu’ils ont un lien bien ténu avec le pays actuel (mais chut ! à ne pas répéter en Macédoine). Etant donné que la Macédoine du Nord est un pays jeune, beaucoup de personnalités historiques locales sont également revendiquées par des pays voisins.
1. Mère Teresa
En fait, la vraie STAR macédonienne, à la renommée planétaire, s’appelait Anjezë Gonxhe Bojaxhiu à l’état civil, elle était catholique, et elle appartenait à la communauté albanaise… Elle est née à Skopje en 1910, alors que la ville était encore ottomane. Autant dire que Mère Teresa n’avait pas grand-chose à voir avec le peuple macédonien, même si certains nationalistes sont prêts à lui trouver des ancêtres slaves.
2. Toše Proeski
Le Claude François local, il a grandi à Kruševo, et il est d’origine valaque. Avec sa voix d’or et sa tête de jeune premier, il est vite devenu LE chanteur pop du pays dans les années 2000, sa réputation s’étendant à toute l’ex-Yougoslavie. Sa mort tragique à 26 ans dans un accident de voiture en 2007 a été une tragédie nationale. Depuis, il est resté une légende dans le coeur des Macédoniens.
3. Esma Redžepova
Couronnée « reine de la musique tsigane », Esma était jusqu’à sa mort en 2016 une légende vivante. Née dans une famille rom à Skopje en 1943, elle avait été repérée très jeune par celui qui allait devenir son mari, compositeur et impresario. La Yougoslavie titiste des années 60 protège et promeut les cultures minoritaires, et le couple surfe sur la vague. Esma enregistre avec son mari les plus grands titres traditionnels roms et macédoniens. L’accompagnement est traditionnel, mais on se permet quelques pas de twist et des sonorités psychédéliques. Esma passe de mode dans les années 1980, mais elle revient sur le devant de la scène dans les années 2000, chantant à travers le monde jusqu’à sa mort. La jeune fille gracile à la voix dorée des débuts a fait place à une matrone extravagante à voix grave, mais le succès est au rendez-vous.
4. Kočo Racin
Kočo Racin est la grande figure littéraire macédonienne. Né à Vélès en 1908, il meurt dans la Résistance en 1943, à 34 ans. Bien qu’il soit d’origine modeste, il devient un membre estimé du parti communiste, qui est alors interdit. Il est emprisonné, mais il cotoie alors des intellectuels yougoslaves qui le poussent vers la littérature. Après quelques recueils en serbo-croate, il commence à écrire en langue macédonienne, devant ainsi l’un des tout premiers auteurs à le faire (la langue n’est pourtant standardisée qu’en 1945). Son recueil le plus estimé est Aubes blanches (Beli Mugri), dont les poèmes plein de réalisme évoquent la poésie folklorique.
5. Roi Marko
On entre ici dans le domaine de la légende (et de la controverse, Marko étant aussi revendiqué par la Serbie et la Bulgarie). Marko est un prince du XIVème siècle, devenu brièvement roi à mesure que s’effrite l’empire serbe. Le royaume de Marko a Prilep pour capitale, et il prend vaguement les mêmes limites que l’actuelle Macédoine du Nord, ce qui fait que Marko est considéré par les historiens nationalistes comme un « roi macédonien ».
Le règne de Marko est bref : les Ottomans ne tardent pas à envahir les Balkans. Comme de nombreux seigneurs slaves, Marko devient vassal du Sultan, et rejoint son armée. Il meurt lors d’une bataille en Roumanie. Pourtant, il devient une légende locale : on le retrouve dans des contes, des chants, des poèmes, qui célèbrent les exploits d’un valeureux guerrier. Protégé par les vilas (fées locales), il est même doté de pouvoirs magiques, qui lui permettent de soulever les montagnes et de narguer l’occupant turc. De nos jours, de nombreux endroits en Macédoine du Nord évoquent le souvenir de Marko, comme le monastère de Marko ou les Tours de Marko à Prilep.
6. Saint Clément d’Ohrid
(souvent nommé avec son comparse Nahum de Preslav), le Saint Patron du pays. On sait peu de choses de sa vie (il faut dire qu’il a vécu au IXème siècle) mais il serait probablement né dans une famille slave de Macédoine. Il devient vite le disciple de Cyrille et Méthode, deux jumeaux de Thessalonique. Il les rejoint dans leur mission : évangéliser les Slaves. Il les accompagne en Moravie, et fait même un voyage jusqu’à Rome. Après avoir été expulsé de Moravie, il rentre à Ohrid et y fonde son école, afin de former les prêtres locaux. La région fait alors partie du royaume bulgare, et le roi souhaite remplacer le grec par la langue slave dans l’Eglise. Clément écrit d’innombrables textes en vieux-slave, et il serait peut-être aussi l’inventeur de l’alphabet cyrillique (contrairement à ce qui est souvent dit, ce dernier n’a pas été inventé par Cyrille et Méthode, qui ont créé un autre alphabet plus complexe : le glagolithique).
7. Goce Delčev
Omniprésent dans les noms de rues, Goce Delčev fait partie des héros nationalistes du tournant du XXème siècle. Alors que la région est encore occupée par les Ottomans, une organisation terroriste secrète est fondée : l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO). A l’époque, l’identité macédonienne est encore fragile, et la plupart des membres de l’organisation se définissent comme bulgares, et ils souhaitent donc le rattachement de la Macédoine à la Bulgarie. Goce Delčev, originaire de la Macédoine grecque, est l’un des membres les plus connus du VMRO, avec Dame Gruev et Jane Sandanski. Il meurt en 1903 lors d’une embuscade. La même année, le VMRO tente de lancer une guerre libératrice (le Soulèvement d’Ilinden), mais l’armée ottomane est trop puissante, et la population locale ne suit pas. Si le soulèvement est un échec, le VMRO continue d’exister jusque dans les années 40.
8. Teona Strugar Mitevska
Teona Strugar Mitevska est une réalisatrice née en 1974. Ses deux principaux films, Je suis de Titov Veles (2009), et Dieu existe, son nom est Petrunya (2019) ont été remarqués et primés lors de festivals régionaux et de Berlinales. Ces deux films, qui montrent la Macédoine du Nord avec un regard cru et engagé, mettent en scène la soeur de la réalisatrice, Labina Mitevska. Cette dernière a aussi tourné pour l’autre grand réalisateur macédonien, Milčo Mančevski, qui a notamment obtenu un Lion d’or à Venise pour Before the Rain en 1994.
9. Luan Starova
Luan Starova est un peu un OVNI en Macédoine du Nord. Cet écrivain renommé est d’origine albanaise, mais il écrit ses romans en albanais et en macédonien. Il est également membre de l’Académie macédonienne, et il est l’un des rares liens entre les deux communautés. Il n’appartient cependant pas à la communauté albanaise macédonienne, puisqu’il est né en Albanie, en 1941. Originaire de Pogradec, sur la rive albanaise du lac d’Ohrid, sa famille s’installe à Struga pendant la guerre, la ville étant alors annexée à l’Albanie. En 1945, elle décide de rester du côté yougoslave, et part vivre à Skopje. Luan Starova étudie le français, et devient spécialiste d’Apollinaire. Ardent francophile, il est le premier ambassadeur macédonien en France, en 1994.
L’oeuvre de Luan Starova est ancrée dans l’histoire de la région, principalement pendant les époques ottomane et communiste. L’intrigue est le plus souvent située en Macédoine du Nord et en Albanie. Plusieurs de ses romans ont été traduits en français, comme Le Temps des chèvres, Le Chemin des anguilles, Le Musée de l’athéisme ou Le rivage de l’exil.
10. Živko Čingo
Živko Čingo est un autre grand écrivain macédonien. Né en 1935 et mort en 1987, il est une figure importante de la nouvelle vague littéraire macédonienne, qui émerge après la standardisation de la langue et sa reconnaissance officielle. Živko Čingo, qui est aussi journaliste et directeur de théâtre, publie d’abord plusieurs nouvelles avant de connaître un grand succès avec La Grande eau (Golemata Voda) récit poignant qui aborde le régime communiste d’après-guerre. Publié en 1971, à une époque où la Yougoslavie s’ouvrait à l’Occident, ce roman est un des seuls livres macédoniens a avoir été traduit en français.
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